Une souris verte, qui courait dans l'herbe...

>> vendredi 25 septembre 2009

Ça manque d'originalité en ce moment, dans notre cuisine. Je me suis mise en tête de vider le réfrigérateur et le congélateur petit à petit, pour faire de la place et des économies. Donc tous les jours je sors des restes, ou des plats préparés, qui me servent de base pour le lendemain. Hier soir, c'etait une tourte aux légumes, ce soir du couscous (des restes du repas de Noël où l'on avait invité nos voisins la veille du départ pour la France).

Derrière ce réfrigérateur se cache d'ailleurs une autre histoire, bien plus amusante et rocambolesque que celle des restes de tourte et de couscous. Depuis plusieurs mois, Romain trouvait que le réfrigérateur sentait mauvais : moins l'intérieur, en réalité, que l'arrière par où le bruit du groupe s'échappe. De mon côté, je ne sentais absolument rien (et moi qui me targue d'avoir un odorat hors du commun, j'en étais vexée, ces histoires d'odeur m'énervaient au plus haut point...). Bref, mi-janvier, un peu après notre retour de France, un jour, Romain était dans la cuisine en train de faire de l'email ou quelque chose dans ce genre - je descends de mon bureau, et en entrant dans la cuisine, je m'esclaffe : "Ah ça sent trop mauvais -- ça sent l'urine, qu'est-ce que c'est que cette odeur ??" J'ai cru un instant que Romain s'était fait uriner dessus par un chien, ou qu'il avait marché dans une flaque d'urine.

Bref, après investigation, il s'est avéré que l'odeur venait de l'arrière du frigo. On le sort donc de son meuble sur mesure, et on laisse le réfrigérateur comme ça, au milieu de la carrée, le derrière à l'air, en quelque sorte, pour vérifier que c'est bien de là que sort l'odeur nauséabonde. Très vite, il est devenu évident que l'odeur était intermittente, et ne se détectait vraiment que lorsque le ventilateur du groupe était en marche.

Y aurait-il donc eu un rongeur quelconque caché dans l'enclave du moteur ???? C'est ce qu'on pensait, évidemment. D'ailleurs, pour confirmer nos soupçons, quand on a retiré le réfrigérateur de son "placard", il y avait en effet une petite souris morte mommifiée juste sous le ventilateur. La pauvre, tellement desséchée qu'elle en était collée au métal. Pas joli à voir. Le plus drôle, c'est qu'on ne l'a pas vue tout de suite, tant son corps était sec et plat. Alors, tous les deux, Romain et moi, nous étions là, à 30cm de cette pauvre bestiole transformee en fruit sec, à renifler l'arrière de l'engin, et à essayer de voir tout au fond avec une lampe de poche, quand tout a coup, j'ai eu une vision venue de l'enfer, et j'ai crié, "Mais là, en voila une, là, sous notre nez !!!" Forts de notre trouvaille et de notre perspicacité, on a de suite crié victoire et couru à Leroy Merlin nous procurer des attrape-souris. Des petites plaques collantes, qu'on met le long des plinthes, pour attraper les malheureuses souris qui passent. Ça ne les tue pas (pas mon style), à condition de ne pas avoir un chat comme Calhoun pour qui les malheureuses deviennent des proies faciles et vouées au sacrifice. Mais avec un chat comme Théo, qui n'a jamais lu le manuel du Bon Chat domestique, loyal allié de ses maîtres, et un chien comme Kenzo qui ne pense qu'a s'en faire des copines, les souris n'ont vraiment rien à craindre. Celle-ci était d'ailleurs peut-être morte de vieillesse après des années de vie heureuse à la Ratatouille écoulées dans notre cuisine "bien-être des hommes et des bêtes".

Nous voilà donc avec nos attrape-bestioles. Je n'en ai mis qu'une par terre, à côté du crématorium improvisé de la première déjà attrapée (bien par mégarde, il faut le reconnaître...) - et tous les jours, plusieurs fois par jour même, j'allais vérifier le succès de mon piège diabolique. Ou plutôt l'insuccès, car au bout d'une semaine à contourner le réfrigérateur planté au milieu de la pièce, il a fallu se rendre à l'évidence : aucun rongeur en vue, d'ailleurs même le chien qui les cherche pour faire connaissance ne semblait pas autrement excité à l'idée de ce réfrigérateur qui nous tournait le dos toute la journée et qui devait théoriquement, d'après nos suppositions les plus démesurées, abriter une famille de 30 souris (vue l'odeur). Car l'odeur était toujours là, inéluctable, indestructible. En un mot, indécrottable.

On a donc dû remettre le réfrigérateur à sa place, replacer les plaquettes de colle dans l'emballage, en priant pour une prochaine occasion de s'en servir (parce que c'est quand même assez drôle de voir la souris agglutinée sur la plaquette, à se tortiller et faire sauter tout la plaquette par ses soubresauts affolés. Reste ensuite à la décoller, mais rien de plus facile, il suffit de faire glisser un peu d'huile sur la bestiole et de la voir glisser pour tomber par terre comme une crêpe qui aurait atterri à moitié sur la poêle).

Mais sitôt le réfrigérateur remis en place, Romain s'est remis à se plaindre de l'odeur - et moi aussi, d'ailleurs, il faut croire que l'expérience, l'entraînement et l'effort avait ravivé mes capacités olfactives d'antan. ;-) Nous en ëtions rendus à nous demander s'il ne fallait pas racheter un nouveau réfrigérateur. Ouille. Plus cher que des plaquettes de colle, cette fois...

Deux jours plus tard, je crois, je me réveille un matin comme un autre, sauf que ce jour-là, je n'avais pas cours, c'ëtait donc un jeudi. Je crois qu'il aurait pu s'agir de jeudi dernier, c'était donc il y a exactement une semaine. Je me réveille, dis-je, descends dans la cuisine pour le petit déjeuner, commence à faire griller les tartines et faire frémir l'eau du thé, quand j'entends le chien descendre les marches- il s'était décidé à me tenir compagnie. L'idée lui est pourtant passée très vite : en passant devant le placard à chaussures de l'entrée, le voilà qui s'arrête net, et commence à farfouiller dans les godasses. Lui qui a peur d'un stylo qui bouge, il poussait toutes les baskets du nez, et fouinait comme un chien des douanes américaines dans notre placard-débarras. Inutile de chercher plus loin, j'avais tout compris.

Je me suis postée à 1 mètre derrière le chien, et en suivant ses mouvements du côté gauche du placard au côté droit, je me tenais sur mes gardes, prête à bondir moi aussi au premier mouvement hors du placard. Ça a pris... 2 minutes, tout au plus.

En la poussant du nez, Kenzo a réussi à l'affoler assez pour faire surgir la souris hors de sa nouvelle cachette-basket. Elle a d'abord couru vers moi dans sa fuite affolée, et elle m'a frôlé le pied avant que je pousse un cri de surprise (j'avais dû mal me préparer à l'attaque surprise de la souris verte, qui courait dans l'herbe - j'aurais bien voulu l'attraper par la queue...) - mais non, elle a traversé le salon en rasant la moquette - et se dirigeait vers la cage de la lapine qui est à côté du piano quand.... la lapine a sursauté de surprise (décidément, tout le monde s'est laissé prendre...) et à son tour, en sautant dans sa cage en métal, la lapine a fait peur à la souris qui a fait brusquement volte-face pour se retrouver.... face au chien, et tourner d'un quart de tour vers la droite pour se réfugier sous le piano.... un peu de répit, pour tout le monde, parce que c'était un travail d'équipe sur une tactique de camouflage.... Loin d'être finie, d'ailleurs, parce que pour la souris, l'embuscade et la ruse ne faisaient que commencer - comment sortir de cette nouvelle cabane en passant sous le nez d'un chien qui cette fois montait la garde, la truffe à l'affût et les griffes sorties, et qui gémissait de plaisir en grattant sous le piano. Deux heures ont suffi. Entre temps, j'avais ressorti ma petite trappe à souris gluante, (comme quoi, prier, parfois ça sert et Dieu écoute quand il n'a rien d'autre à faire) -- et la souris est tombée dans le piège - elle s'est étalée face la première sur ma plaquette, étalée de tout son long, s'est retrouvée collée sans ressource sur mon attrape-nigaud. Aussitot cris dans la maison : cris au secours de la souris, le chien qui rapplique et qui jappe, Florence qui essaie de calmer le jeu, en retenant le chien et en tirant sur la plaquette pour ramener la souris.

Cette souris, cependant, n'était pas une souris ordinaire (vous croyiez que c'était la fin de l'histoire - que nenni, il y a encore 3 saisons a produire...) - (on ne lésine pas sur les moyens aux Etats-Unis) - cette souris, disais-je, était d'une force rarement vue parmi celles de sa race. Figurez-vous que, par la violence de ses soubresauts et la force de ses petits avant-bras plus menus que ceux de Monique Ciret, elle est parvenue, à 2 reprises, à se réfugier à nouveau sous le radiateur d'où je l'avais retirée en tirant vers moi la plaquette à l'aide d'une grosse cle à molette qui traînait par là - c'est l'avantage de vivre avec Romain qui ne range jamais ses affaires, ça énerve et on se prend les pieds dedans en passant l'aspirateur, jusqu'au moment où l'on s'aperçoit que l'objet incongru avait sa raison d'être. Cette cle à molette, donc, lourde, tombait pile poil pour m'aider à tirer sur la plaquette de glue sans me faire à mon tour prendre au piège ou - pire - mordre les doigts par l'animal enragé. Et quelle rage. Cette bestiole, à deux reprises, a reussi à repartir en sautant comme les enfants qui traversent, les jambes cachées dans des sacs de toile jute en plein été au milieu des champs fraîchement fauchés, et retourner sous l'abri illusoire du radiateur en fonte nouvellement repeint en gris. Il fallait la voir, criant, s'essoufflant, rampant et sautillant en traînant derrière ce boulet aplati, pour atteindre à bout de souffle ce refuge trompeur. C'était à pleurer - tout ceci, sur fond de gemissements canins. Pauvre petite souris affolée. Tellement affolée qu'elle commençait presque à se décoller, au prix de poignées de poils arrachés et retenus par la colle.

Il était temps d'agir. Vite, un sac plastique, à peine fermé, et tout de suite, direction : le talus derrière l'église, pour relâcher la bête dans son cadre naturel... dans la neige.... chez les voisins !! Coïncidence malheureuse, deux voitures de police se trouvaient stationnées à l'endroit même où j'avais l'intention de redonner à mon locataire indésirable sa liberté récemment perdue... Il m'a fallu attendre deux bonnes heures pour pouvoir aller à mon aise relâcher la bestiole sous les arbres du parking de l'église. Eh bien figurez-vous que, le temps que je la sorte du sac en la faisant glisser pour éviter tout contact, la peur lui avait fait uriner dans le plastique et au moment de retomber du sac, elle avait réussi à se détacher d'elle-même tout à fait....

C'était la première souris que je vois avec une telle rage de vivre. Mais celle-ci, comme les autres (j'en ai attrapé 5- ou 6 comme cela à la Nouvelle-Orléans), me devait quand même la vie.

Eh bien, le soir-même, en sortant le chien et le chat pour la dernière sortie avant la nuit, au moment même où je m'engageais sur la rue pour retourner avec mes deux animaux adoptés sur le parking de l'église, j'ai aperçu clairement une forme oblongue traverser dans le sens inverse, et venir en courant se réfugier dans l'herbe et les fourrés qui longent la barrière qui nous sépare de nos voisins....

Cette souris-là, il faut croire qu'elle nous aimait bien !

Depuis huit jours, cependant, notre cuisine est redevenue le havre de paix embaumé que vous avez vu l'an dernier.

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