J'arrive très rarement à suivre une même recette deux fois. C'est plus fort que moi. Il faut que je me fasse violence pour ne pas dévier des proportions précises données dans les recettes que je pose sur mon comptoir de cuisine, ou m'en tenir strictement à la liste des ingrédients établie. C'est d'ailleurs un phénomène assez récent chez moi, je crois. Jusqu'à il y a 5-6 ans, j'étais plutôt du style à suivre n'importe quelle recette à la lettre, quitte à courir au supermarché s'il me manquait 20 grammes de beurre salé... Il doit s'agir de de je-ne-sais quel syndrome culinaire bien documenté dans les annales médicales. Même devant une recette qui a pourtant fait ses preuves, je vais être submergée par le désir inaliénable de chercher encore à l'améliorer, lui donner une petite touche personnalisée. Parfois, ça rate, et je mords les doigts de mon accès d'intrépidité en regrettant la recette trahie. Mais parfois, voire souvent, ça marche, et le succès de ces tâtonnements encourage ma démarche culinaire expérimentale. D'où l'idée de ce blog culinaire, qui me sert de pense-bête pour ne pas refaire plus d'une fois les mêmes erreurs et graver dans l'espace virtuel mes progrès culinaires. Mon secret espoir aussi, en créant ce blog, c'était de créer des recettes auxquelles j'allais m'attacher, qui seraient ancrées dans la mémoire collective et auxquelles je me référerais des mois ou des années plus tard avec émotion, les yeux fixés sur les photos qui les figeraient dans mon souvenir.
Les recettes de maman font exception à cette manie, pour la plupart (notez encore une fois le "la plupart" qui annonce discrètement quelques dérapages - souvent cuisants). En fait, quand j'y réfléchis, je pense pouvoir expliquer le contre-exemple de ces recettes de famille de deux raisons : la première, c'est l'effet "petite madeleine". Ces recettes ont un tel goût de mon enfance que je prends plaisir à la revivre en retrouvant les saveurs du cocon familial. C'est rassurant, réconfortant. Altérer les recettes qui m'ont été transmises par téléphone, depuis que j'habite aux Etats-Unis, serait sacrilège. La deuxième raison pour laquelle je ne tiens pas à modifier ces recettes de mon enfance, c'est que la majorité sont des recettes de dessert. Et franchement, côté dessert, je ne me sens pas dans mon élément. Mes desserts préférés sont d'ailleurs des classiques, des incontournables, que j'essaie de reproduire du mieux que je peux chaque fois que je mets la main à la pâte. Il y en a peu, on peut presque les compter sur les doigts d'une seule main : les crêpes, les gaufres - et là, il faut que je commence à réfléchir, déjà - le biscuit de savoie, le Singapour aux amandes (ah, en voilà un qui est passé par le filtre Florence, justement), et puis, voyons, les cannelés, et là, on sort déjà du patrimoine familial et ça commence à devenir vraiment dur de continuer la liste. Le pudding, peut-être, mais je n'en ai jamais fait...
Bref, vous voyez le tableau... La carte des desserts, chez moi, est toujours un peu casse-tête - mises à part les phases "macarons" et "flans de courgettes", les desserts sont rarement sur ma liste To do.
Longue parenthèse. Assez dit. Revenons au sujet.
Ce soir, donc, j'avais décidé de faire une soupe à la tomate - je croule sous les tomates depuis quelques jours - et encore, ce n'est qu'un avant-goût de ce qui m'attend dans les semaines à venir.... - et c'est maintenant la course pour décider de ce que je dois préparer en urgence : tomates, aubergines, courgettes, chou, tomates, courgettes, aubergines, chou, etc. Ça ne fait finalement que 4 légumes, mais les déclinaisons sont tellement innombrables que je cuisine rarement deux fois de suite le même plat pendant une saison entière. D'où l'idée de ce blog, qui devrait me permettre d'une année sur l'autre de retrouver les recettes réussies des années précédentes, sans avoir à me casser la tête devant les options sans fin qui s'offrent à perte de vue avec ces seuls ingrédients de base.
Hein ?... Qui se casse la tête, là ? Rarement moi, dans la cuisine ! Se casser la tête laisse entendre qu'on s'acharne à un travail en général difficile, long, voire pénible. Une tâche pénible, complexe, plus ou moins désagréable et dont on aurait envie de se débarrasser le plus vite possible. Je m'acharne, oui... mais s'il est vrai que je passe des heures dans ma cuisine à rechercher et à tester des recettes, on peut difficilement dire que ce soit désagréable. J'y prends en fait beaucoup de plaisir. Je le fais, parce que j'aime ça. Personne ne m'y force. J'y passe tellement de temps qu'on dirait presque que j'en fais un métier. Les livres de cuisine s'accumulent dans ma cuisine jusqu'à déborder des étagères. Il est presque impossible de me perdre dans une librairie- je suis toujours dans la même section, Gastronomie. Si je n'y suis pas, vous me trouverez dans la section Langues et Linguistique.
Ce soir, pourtant, avec 3 kilos de tomates sur les bras, j'avais déjà ma recette toute prête. Celle de Deborah Madison, la Summer tomato soup, qui m'avait laissé clouée sur ma chaise il y a une dizaine de jours. Une recette de rêves : trois ingrédients, point final : du beurre, des échalottes, des tomates. Le bonheur. Comment faire plus simple ? Bon, par contre, il ne faut pas être pressé, ni faire ça sur le pouce à l'heure du dîner. 3 à 4 heures de cuisson, rien que ça. Je m'étais promise de la refaire à la première pluie de tomates. Eh bien, non. Il a encore fallu que je révise la première version pour la décliner ce soir en deux versions.
Tout allait bien jusqu'à la fin de la cuisson - au bout des trois premières heures de préparation donc. Je venais de revenir d'une course de 4 km dans la forêt de Lynn, et en mon absence, les 3 kilos de tomates avaient gentiment mijoté dans ma cocotte. Je m'en régalais d'avance. Mais la suite de la recette de Madison m'a fait brutalement déraper : elle y faisait mention d'un "food mill" qui permettait d'éliminer les pépins de la soupe tout en gardant le reste. Un "food mill" : je ne savais même pas trop à quoi l'engin pouvait ressembler. Ce dont j'étais sûre, c'est que je n'en avais pas dans ma cuisine pourtant suréquipée en électroménager... Il a même fallu que j'aille lire dans les premières pages du bouquin de Madison la définition de l'appareil en question. La semaine précédente, la question ne s'était même pas posée : c'est drôle comme on peut lire les choses différemment d'une fois sur l'autre. Mais la première fois, tout était aussi différent. Au lieu d'utiliser des tomates entières, j'avais utilisé pour cette soupe d'été l'intérieur de tomates que j'avais farcies, et qui m'était donc resté sur les bras. Ma soupe ressemblait donc ce jour-là beaucoup plus à un consommé, et c'est justement cette première version qui m'avait époustouflée qui m'a mise sur la voie des deux déclinaisons de ce soir. Je voulais retrouver le consommé de la semaine précédente, tout en essayant de rester plus fidèle à la version de Madison.
Peu importe, à mi-chemin de la recette, me voilà perplexe devant ma cocotte : sans moulin à légumes (qui utilise encore ces engins-là ?? Même maman en a un qui ne sort jamais du placard...) comment mixer ma soupe en éliminant les pépins ? La cuisine, de temps en temps, peut être en effet casse-tête. J'ai choisi de procéder par étapes, en passant la soupe au chinois : et voilà mon consommé reconstitué ! Mais que faire alors de toute cette purée de tomates et d'échalottes ? Le robot allait faire l'affaire, sans doute : j'ai donc tout mixé, mais pour éviter d'alourdir la soupe, j'ai encore décidé de passer cette purée au chinois avant de l'incorporer à la moitié du consommé. Et c'est là que les choses se sont un peu corsées. Ecraser la purée pour la faire passer par les trous du chinois, c'était finalement assez fastidieux. Chiant, en un mot. C'était long, et la purée de tomates giclait dans tous les sens, pour une raison inexplicable. Une prochaine fois, je changerai certainement de méthode. Mes conseils de préparation notés ci-dessous en feront la démonstration. Mais je me suis retrouvée au bout du compte avec deux soupes pour le travail d'une seule, et qui se sont parfaitement déclinées en deux versions chromatiques avec croutons et tortillas. En rangeant le beurre dans le réfrigérateur, mes yeux se posent sur une bouteille de jus de carottes... Tiens, tiens, est-ce que ce jus de carottes n'est pas là à me tendre les bras ?? Il a du coup lui aussi trouvé sa place dans ma soupe à la tomate... Ah ! Deborah, quelle mine d'idées dans ton bouquin végétarien !
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Consommé de tomates d'été aux accents d'Amérique Centrale
Ingrédients :
(pour 2 personnes)
20 grammes de beurre
125 grammes d'échalottes
1,5 kilo de tomates bien mûres (ou encore mieux : du jus de tomates, récupéré d'une autre préparation qui ne demanderait que des tomates épépinées, comme une tatin de tomates !)
1/2 verre d'eau
4 tortillas aux épinards
huile d'olive
jus et zeste d'un demi-citron vert
(Tabasco, éventuellement)
Préparation :
1. faire fondre le beurre dans une grande cocotte. Ajouter les échalottes hâchées, les faire revenir doucement en préparant les tomates.
2. couper les tomates en gros dés. Ajouter aux échalottes, avec le 1/2 verre d'eau et une grosse pincée de sel. Laisser mijoter 3 à 4 heures.
3. préparer les tortillas : couper les tortillas en lamelles d'1 cm de largeur, badigeonner d'huile d'olive, sel et poivre, et faire griller pendant une dizaine de minutes.
4. après cuisson des tomates/échalottes, passer les légumes au chinois pour récupérer le jus (étape inutile si on a utilisé du jus de tomates -dans ce cas-là, on va passer le consommé au mixer). Le consommé est prêt, il ne reste qu'à le servir agrémenté de jus de citron vert et de sauce Tabasco, et garni de zeste de citron vert et de lamelles de tortillas.
Les variations sont multiples : on pourrait rajouter du fromage râpé, de l'avocat, du yaourt, du cumin (à la cuisson), des feuilles de menthe, entre autres.
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Soupe à la tomate et à la carotte
Ingrédients:
20 grammes de beurre
125 grammes d'échalottes
1,5 kilo de tomates bien mûres
1/2 verre d'eau
150-200 ml de jus de carotte
une grosse poignée de croûtons aromatisés à l'ail
quelques feuilles de menthe
Préparation :
1. faire fondre le beurre dans une grande cocotte. Ajouter les échalottes hâchées, les faire revenir doucement en préparant les tomates.
2. couper les tomates en gros dés. Ajouter aux échalottes, avec le 1/2 verre d'eau et une grosse pincée de sel. Laisser mijoter 3 à 4 heures.
3. après cuisson des tomates/échalottes, mixer grossièrement la soupe et la passer au chinois pour la purifier des éventuels pépins. Ajouter le jus de carottes, et servir garni de croûtons et de feuilles de menthe... ou de toasts de fois gras, toujours d'actualité chez moi !
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